Petite Paule...

 

Avec le recul du temps ce que je vais décrire va paraitre tout à fait étonnant et même incroyable. Et pourtant... C'était notre façon de vivre notre enfance.
J'avais passé 10 ans et m'acheminait tranquillemnt vers mes onze ans. Les loisirs de cette époque étaient soit le patronage, soit la rue et le fameux terrain vague des "décombres" . Personnellement bien que fréquentant assiduement "le patro" comme nous nommions l'oeuvre Paul Hava
(qui existe encore) il m'arrivait pour diverses raisons de disposer de moments où je pouvais flaner et vagabonder ici ou là, parfois assez loin de mon domicile .
Mon père et ma mère étant au travail il m'arrivait souvent de rester seul et donc d'organiser librement ,à ma guise, mon emploi du temps .
Très souvent ,donc ,mes pas me portaient vers un lieu hautement excitant mais aussi assez dangereux: la voie ferrée qui passait tout près de chez moi .
Ce lieu m'attirait d'autant plus qu'il avait eu le même effet d'attraction sur une petite fille de mon âge . Elle s'appelait Paule. elle habitait en contre-bas de la voie ferrée, sur le boulevard national où sa famille tenait un relais routier.
Ah comme ils étaient chanceux les enfants de cette époque! Vous vous rendez compte ? Sans crainte de quoi que ce soit un petit garçon et surtout une petite fille pouvait s'éloigner , loin des regards de leurs familles .
En ces temps là, on ne parlait pas de sentiments amoureux pour les enfants .Diantre non ! C'était affaire de grands!
Et pourtant sans le nommer je sentais que j'étais heureux de me trouver en sa compagnie, là dans l'herbe d'un terrain qui bordait le ballast. allongés sur le dos, nous parlions de ... tout et de rien . Nous partions à la découverte de nos 10 ans ..

 


Mais là où l'histoire devient plus étonnante, c'est lorsque nous décidions de nous faire peur au moment où passait une locomotive à vapeur .Vous savez ce monstre noir qui soufflait de la fumée comme un dragon .
Sa venue nous était annoncée quelques minutes avant son passage , par le sémaphore qui se trouvait là .
Lorsque nous nous apercevions que le disque rouge tournait, nous disposions sur un rail ,quelques pierres du ballast . Puis allongés à seulement 2 ou 3 mètres de la voie, dissimulés dans les herbes nous attendions le coeur battant que le monstre écrase et réduise nos pierres en poussière, ce qui arrivait infailliblement.
Une fois la locomotive passée, nous allions admirer le résultat de notre expérience qui nous enthousiasmait à chaque fois bien que le résultat soit connu d'avance .

(
Signal identique, mais le notre avait un panneau en forme de disque

Mes copains, surtout les plus âgés , ceux qui commençaient à regarder les filles de manière plus précise , me chambrait bien un peu en me voyant avec Paule. Mais leurs gentilles moqueries ne me vexaient pas . Au contraire elles me montraient que je venais d'entrer dans une autre partie de l'existence ,que l'on croit être à cet âge, comme dans les contes de fées "peuplées de princes et de princesses dont on disait: ils se marièrent , vécurent heureux et eurent beauoup d'enfants " selon l'expression consacrée.
J'étais devenu "grand". Du moins je le croyais .

A la fin de l'année scolaire, Paule est partie pour Dakar où ses parents allaient ouvrir un restaurant. Je n'ai jamais plus rien su d'elle . Elle était partie dans mes souvenirs son devoir accompli. Me faire avancer sur le chemin de la vie . C'est ainsi que cette découverte d'un sentiment nouveau est resté à jamais dans la mémoire du petit garçon que j'étais . Il était le brouillon de ce qui m'attendait quelques années plus tard .
Et en y pensant ce soir, je revois encore ces deux petits diables couchés dans l'herbe pendant que passe en vrombissant le grand monstre noir , et mon coeur ,je ne sais pas pourquoi s'est mis à battre plus vite .


 

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