27 mai 1944 à
Marseille. Un bombardement qui fera plus de 1500 victimes dévaste
la ville. l'U.S Air Force n'a pas fait dans la dentelle ni dans
le détail. Du haut de leurs nuages les avions américains
ont largué des chapelets de bombes qui ont semé
la terreur et l'horreur sur toute la ville d'Est en Ouest .
Situé à proximité d'une voie de chemin de
fer, le quartier où se trouvait l'Impasse Junot a particulèrement
souffert . (On a parlé de 35 bombes sur l'usine chimique
de Gaubet )
Pourtant l'orage passé, la vie a repris ses droits. Les
enfants surtout ont vite adopté leurs habitudes à
leur lieu de vie . Ainsi les ruines des deux usines proches de
l'impasse sont devenues des "parcs de loisirs "(pour
employer un doux euphémisme ). Nous allions jouer soit
à la raffinerie, soit à Gaubet. (on disait Caubet)
.
Mais plus proche et donc plus accessible , se trouvait un terrain
vague ;tout ce qui restait du paté de maisons qui se trouvait
au bout de l'impasse.(les N° 19 et 21). Il n'en restait que
des décombres alors avec beaucoup d'originalité
,nous l'avions appelé : "Les décombres".
Ce nom lui est toujours resté .
Imaginez une butte
en forme de Y grand comme un demi terrain de foot dans sa partie
haute . La partie marquée A sur la figure longeait la voie
ferrée qui menait de la gare St-Charles à la gare
d'Arenc. C'était une voie peu fréquentée.
La plupart du temps c'était une locomotive seule qui circulait
dans un sens ou dans l'autre . Les "décombres dominaient
cette voie d'environ 3 mètres à la partie basse
mais de près de 8 mètres à la partie haute
.. C'était notre terrain de jeux. des sentiers tracés
par les passages successif et les courses des enfants montraient
les voies de circulation.
Et si l'un de ces chemins traversait le terrain vague en son milieu,
l'autre suivait le bord d'assez près. Pas de grillage,
pas de protection. Il n'y a jamais eu d'accident . Et pouratnt
que de parties de cow-boys et indiens avons-nous faites en ces
lieux sans songer jamais au danger.
Sur le haut du terrain (à l'Est), le mur qui séparait
les décombres de la traverse de la Villette mesurait à
peine plus de 2 mètres jusqu'à la parcelle 72. Mais
là, comme la butte du terrain redescendait il atteignait
les 4 mètres facilement et peut-être même 5
m. Je l'ai souvent parcouru jusqu'au bout pour vaincre ma peur
du vide . Je regardais surtout du côté "traverse
de la villette car c'était moins haut, mais j'allais qd
même jusqu'au bout. Cela n'a guère amélioré
ma phobie du vide mais cela m'a habitué à lutter
contre ma peur . Avec le recul ,lorsque j'imagine mes petits enfants
marchant sur ce mur j'ai une peur retrospective qui me serre les
tripes . Et pourtant .... il n'y a jamais eu d'accident là
non plus .
A l'endroit marqué B sur le plan, nous avons un jour construit
une cabane d'une telle solidité, qu'on pouvait monter sur
le toit sans que rien ne s 'écroule . Nous y faisions nos
"goutettes" .(J'y reviendrai) .
Enfin, les décombres étaient cloturés au
pied du "Y" (marqué D ) par un mur pas très
haut (un peu plus de 2 m quand même, recouvert de tessons
de bouteilles pour empêcher de le sauter .
En vain, car une fois les tessons cassés un bon élan
nous permettait d'agripper le sommet ,pour nous rétablir
sur le mur en faisant attention malgré tout de ne pas nous
couper aux restes des bouts de verres.
Combien de fois l'ai-je escaladé ce petit mur ? Soit pour
jouer sur la voie, soit pour y rencontrer et jouer avec la petite
Paule, soit même parfois pour aller à l'école
en prenant le chemin le plus court qui traversait les voies pour
atteindre la rue Félix Pyat juste après le pont
.
Apprentissage du danger, apprentissage de la découverte, apprentissage du courage, de la prise de risques, les "décombres " ont contribué finalement à notre apprentiossage de la vie .
Il y aurait encore
beaucoup d'anecdotes à raconter : comment on échangeait
à la libération des cigarettes contre du charbon
avec les chauffeurs des locomotives, comment on allait jouer avec
les signaux de la voie, comment on y a un peu chahuté les
couples d'amoureux (les frottadous comme on les nommait) qui s'embrassaient
au bas des murs le long de la voie ferrée.
Peut-être une autre fois . Ce soir les souvenirs s'affolent se mêlent et finalement me secouent un peu trop .