Il y avait 5 cinémas dans
le quartier.Entre St-Lazare et la Belle de Mai.Le St-Lazare et
le Colisée, le national, Le chic et le Gyptis
Le Palace St-Lazare, situé
au début de la rue Hoche,possédait l'écran
panoramique le plus grand de la ville. mais c'était ausssi
une salle immense plus un balcon. Je
ne me souviens pas qu'il y ait eu des loges.
Mais je me souviens bien de ses dépendances. D'abord une
très grande cour carré d'une vingtaine de mètres
de côté.Elle permettait aux enfants de se défouler
à l'entracte des films de westerns ou autres films familiaux
qui à cette époque ne manquaient pas. On y accédait
par les portes d'un large déambulatoire donnant également
accès à une salle de bar de même ampleur
que la cour. Mais peut-être que mes yeux d'enfant (et même
d'adolescent) voyaient-ils tout cela plus grand qu'en réalité.
Ds cette salle étaient mis
à la disposition des spectateurs des machines diverses
:jeux divers(baby foot, billard américain,flipper), pèse-
personne; mais je me souviens surtout (et pour cause ) d'une
machine dont le but était de distribuer des décharges
électriques à ceux qui le souhaitaient. On pouvait
y "jouer" seul ou en groupe . Il suffisait de tenir
d'une main la poignée rhéostat qui augmentait le
courant à mesure qu'on la tournait ,et de l'autre on agrippait
une deuxième poignée par laquelle s'effectuait
le retour du courant.
En groupe on formait une chaine dont le premier maillon était
celui qui augmentait le courant en se donnant la main les uns
les autres jusqu'au dernier qui tenait la 2e poignée.
C'était évidemment plus marrant que tout seul.
Je n'ai jamais entendu dire qu'il y ait eu un seul accident.On
les a néanmoins interdites au nom du principe de précaution
si cher à nos responsables.
J'ai plusieurs souvenirs fameux dans cette salle .Je ne raconterai
pas les deux plus forts.Ils concernent mes amours d'adolescence
et je ne veux rien en dire ici:c'est mon jardin secret. Mais
le troisième par ordre d'importance vaut la peine ,je
pense d'être cité, car il situe bien le cadre de
vie de cette époque.
Je devais avoir une dizaine d'années, pas plus.Ma mère
m'avait donné une pièce de 20 francs,pour aller
SEUL au cinéma. C'était le prix d'un "fauteuil"
(c'est à dire à "l'orchestre".) Le balcon
était plus cher.Et bien qu'équipé des mêmes
sièges,on demandait "un balcon" et non un "fauteuil".
10 ans ,et on pouvait aller seul au cinéma! Et Dieu sait
si ma mère me chouchoutait et me surveillait.De mon domicile
au ciné il devait y avoir un petit kilomètre.Mais
aucune crainte à avoir. On m'avait jugé assez "grand".
C'était un jeudi après midi: séance familiale.
Je demande donc une place et muni de mon billet je monte les
escaliers, passe le contrôle et pénètre dans
la salle déjà plongée dans l'obscurité.Il
n'y a pas d'ouvreuse.Tant bien que mal je trouve une place et
m'installe. Je me prépare à vivre les aventures
de "Robin des Bois" avec Errol Flynn.
N'étant pas habitué aux programmes de cette époque
:actualités,documentaire ou court métrage, dessin
animé entracte et enfin film, je suis étonné
de voir une diligence, des cow-boys, des bandits..; les roues
de la voiture qui tournent à l'envers et un commentaire
qui explique pourquoi cette illusion d'optique. je ne comprends
pas tout mais bon, j'attends.
Soudain le film casse, comme cela
arrivait de temps en temps avec le matériel de ce temps.Aussitôt
la salle se met à hurler, à siffler, à mettre
en route un chahut monstre, tant et si bien que la peur panique
s'empare de moi.
Je me précipite vers la porte de sortie, redescends les
escaliers en courant et me voilà dans la rue Hoche. Pas
question de revenir dans ce lieu où se déroulait
sûrement une tragédie à laquelle je venais
d'échapper! C'est ainsi que je n'ai vu à la place
du bel Errol Flynn et de la charmante Marianne que quelques images
de poussière d' une bruyante diligence. Je ne verrai Robin
des Bois que quelques années plus tard.
En annexe de cette grande salle,
on avait construit une plus petite salle. Le Colisée.
C'était un titre à la mode rappelant les salles
de la belle époque.Une sorte de filiale du grand cinéma.Je
me souviens y avoir vu un documentaire vantant la beauté
et l'importance d'Alger la Blanche, "4e ville de France".
C'était bien sûr avant le début des évènements
(comme on disait) d'Algérie. cette salle était
le parent pauvre ; Nous n'y allions pas souvent .
Le National (le "nàtio"
pour les cacous du quartier (ndlr)) est devenu une supérette,
ensuite un magasin Schleker. Quand je rentre dans ce magasin
,que de souvenirs refont surface!
Plus petit que le St Lazare il disposait de loges sur l'utilisation
desquelles il vaut mieux passer sans trop s'attarder.Il avait
une double vocation: d'abord un cinéma familial en semaine
et en soirées. Les deux séances (14h et 16h) du
dimanche après midi étaient un peu plus particulieres
Si le côté familial existait à chacune d'elle,
il fallait reconnaitre qu'il y avait aussi beaucoup plus d'animation.
car c'était le temps et le lieu de prédilection
pour beaucoup de jeunes gens de tester leur capacité de
séducteur...ou de séductrices.
Parlons d'abord des séances du soir,notamment le mercredi
et le samedi.
Ce qui caractérisait la chose c'était les sorties
en familles ou en groupes.Pas rare de voir quelqu'un demander
à la caisse 7, 8 places ou plus .
Avant le début de la séance,les publicités
écrites sur l'avant scène attiraient notre attention
et nous permettaient des jeux de recherches de mots qui nous
faisaient patienter. Pendant ce temps les "ouvreuses"
circulaient dans les allées pour vendre "bonbons,
caramels, chocolats glacés".
Et ainsi à minuit à la sortie, une foule "bon
enfant" animait la rue Hoche, le bd National, et les rues
environnantes.
Le dimanche si on retrouvait toutes ces caractéristiques
on pouvait aussi assister au spectacle des ados de l'époque
venus vivre dans le noir leurs premières amours. Une ou
deux filles étaient-elles seules , qu'aussitôt les
places disponibles à côté d'elles étaient
prises sinon d'assaut du moins avec rapidité.
Mais le mieux pour cela c'est de lire le joli texte de la chanson
de Francis Lemarque et J Verrières :"premiers pas"
Les
petits gars les petites filles du dimanche
Qui se donnent rendez-vous 2h métro Blanche
Ont toute la semaine pour y penser
Et ça les aide à travailler
Ils se promènent dans Paname qui sourit
à leurs jeux à leurs chants à leurs cris
car les gars pour se faire admirer
Se moquent des gens qui passent à côté
On chante on crie et on chahute
Bras dessus bras dessous dans le tumulte
Le dimanche c'est fait pour s'amuser
Et bien on va en profiter
Et les gars, si on allait au cinéma
Parait que là-bas il y a un film comme ça
On se cotise pour payer les entrées
Pendant que les filles sont en train de se parler:
"Crois-tu que Jojo m'embrassera?
-J'aimerais tant qu'il me prenne dans ses bras"
-Allons les pépées dépéchez vous,
"
Sitôt dans le noir on refait les fous
On se pousse on rit et on se bouscule
Le documentaire est ridicule
On se fout de voir planter le café
Le dimanche c'est fait pour s'amuser.
Mais maintenant cela devient sérieux
Les petits gars sont beaucoup moins sûrs d'eux
On a beau charrier le jeune premier
mais lui au moins ose l'embrasser.
Les petites filles sont devenues romantiques
Et au moment le plus pathétique
Leur jolie petite tête vient s'appuyer
Sur l'épaule du gars d'à côté
On ferme
les yeux et on s'embrasse
On respire fort et on s'enlace
On ne regarde plus le jeune premier
Le dimanche c'est fait pour s'aimer.
Mais
le temps passe vite il faut rentrer
Pour ne pas se faire enguirlander
Sur le boulevard sans dire un mot
Les petites filles ont le coeur gros.
Les premiers
baisers ça c'est sérieux
Quant aux gars,eux,il sont très heureux
Car ils ont osé les embrasser
Sûr qu'ils n'ont pas fini d'en parler
On a passé une belle journée
Bien commencée,mieux terminée
Et toute la semaine on attendra
Dimanche d'après pour remettre ça.
Le Gyptis était aussi le
cinéma familial, mais c'était aussi le cinéma
où après les "premiers pas" les couples
d'amoureux se retrouvaient au balcon.
C'était le lieu des relations
déjà établies. Du moins pour les séances
du dimanche. Pour ma part si là encore j'ai des souvenirs
inoubliables mais aussi top secret, je me souviens quand même
avec émotion de mon premier samedi après midi de
libre.
Eh oui, à cette époque
les enfants des écoles allaient en classe le samedi toute
la journée.On ne commençait à avoir le samedi
après midi de libre qu'à partir de la 6e. Et je
revois comme si c'était hier ce samedi après midi
où, fraîchement admis en 6e au lycée Victor
Hugo, j'allais assister à la projection d'un film de guerre
"Okinawa" avec Richard Widmarck. Je ressens encore
le goût des pastilles à la violette dont j'avais
acheté un paquet avant d'entrer.
Ah cet air de liberté. Comme
il soufflait fort et comme il me manque. (A Suivre...)
Ces séances de cinéma
sont inoubliables et lorsque nous revoyons les films anciens
ou Cinéma Paradiso, c'est un peu notre jeunesse qui refait
surface avec un tas de souvenirs autour qu'on croyait presqu'oubliés,
nostalgiques comme ce film.
National actuel Le
Gyptis actuel
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