Je viens de lire sur
le journal un article intitulé ainsi, et j'ai eu envie
de raconter les miens.
.
De ma maîtresse de CP, j'ai seulement retenu qu'elle était
gentille, douce, petite et mignonne. -Un jour que j'étais
malade , le bruit avait couru qu'elle allait venir me voir . ce
ne fut pas le cas .Déception...Jamais éffacée.
Au Ce1, Me Léoni grande dame austère . le type même
de l'instit d'antan. Pas très sentimentale mais redoutablement
efficace ; elle a été celle qui m'a appris les tables
de multiplication qu'elle avait écrites à la craie
sur la porte de la classe .Je les avais donc sous les yeux toutes
la journée ..
Au CE2, la classe du Directeur Mr Panizzi , reste pour moi la
classe des concours de divisions . Assis près du poèle,
il lisait son journal pendant que nous faisions à qui calculerait
au plus vite le résultat de divisions écrites au
tableau. Il ne se faisait pas prier ensuite quand nous demandions
"M'sieur, vous m'en mettez encore une "!
C'est aussi la classe de la construction d'une balance (merci
papa), et de somnolences répétées à
l'étude du soir ;somnolences dues à l'écoute
forcée de morceaux de violon joués par notre maître
d'alors. Je développerai ces moments de ce2 une autre fois
.
Le CM1 ? passons vite
! Le maître était gentil mais pas sérieux
du tout. Là aussi j'y reviendrai.
Au CM2, Mr Verlaque l'était trop . Il nous terrorrisait
et être debout entre les rangées, nous donnait l'impression
d'être dans le no man's land d'un champ de bataille. Il
m'a quand même beaucoup appris.
Finalement , pour moi
" MON INSTIT " a été celui qui l'année
suivante m'a orienté vers le collège, la 6e. A l'époque
il fallait passer un concours et c'était le maître
de la classe suivant le cm2 qui était chargé de
nous y préparer. Mais plus que cela, c'est ce qu'il m'a
appris sur le plan humain qui m'a marqué à vie.
Ainsi, je revis comme si j'y étais encore l'histoire qui
suit :
Ce jour-là,
comme il devait s'absenter un moment de la classe, il nous avait
laissés sans surveillance pour nous témoigner sa
confiance. Encore peu habitués à ce genre d'exercice,
mes 11 ans m'ont donc poussé en compagnie de 2 ou trois
plus grands à faire le singe : grimaces, bruits et gesticulations
à l'appui.
A cet instant notre maître est rentré : colère,
rage, vocifération, il prend sa règle d'un mètre
et en route pour une fessée sur les coupables. Mais dans
sa colère, les bureaux prenaient plus de coups que nous.
Tant et si bien qu'à un moment sa règle s'est cassée.
Sa colère est tombée aussitôt en même
temps que les morceaux de bois.
Nous avons tous senti , mais vraiment senti, sans le comprendre,
sans l'expliquer que ses cris avaient été des cris
de peine d'avoir vu sa confiance trahie. De la peine, pas de la
haine.
Les parents de l'époque le comprenaient bien qui ne venaient
pas soutenir à tort et à travers leur progéniture
en démolissant l'autorité de l'instit (voire l'instit
lui-même), comme cela se fait si couramment à notre
époque!
Dans les jours qui
ont suivi, de notre propre chef, sans que personne ne nous dise
quoi que ce soit, nous nous sommes cotisés et les plus
grands sont allés lui acheter une nouvelle règle
que nous avons été tout fiers de lui offrir avec
nos excuses les plus humbles. Histoire de faire la paix , de redemander
sa confiance; une façon aussi de grandir d'être devenus
responsables. Je n'ai pas beaucoup d'actes dans ma vie dont je
me souvienne avec autant de force.
Nous étions devenus des " grands " d'un coup.
Notre initiative avait racheté notre bêtise et rendu
la confiance perdue. J'ai compris plus tard, bien plus tard ce
qu'avait du ressentir à ce moment François Fischini
mon maître :il avait participé , et avec quelle réussite,
à la formation de petits hommes. C'est à lui que
je dois la passion que j'ai eue et que j'ai toujours (même
à la retraite)pour ce métier,.
J'aurais aimé qu'il soit là aujourd'hui pour le
lui dire. Mais hélas , " le temps est assassin et
emporte avec lui ", les bons comme les méchants, les
rires des enfants et leurs sentiments reconnaissants.
Trois mois après
cette petite histoire, je jouais dans la rue, devant ma porte,
lorsque je l'ai vu arriver de sa démarche calme, presque
nonchalante, tenant son petit garçon par la main :
- Cela te plairait d'aller au collège ?
- Heu...Oui pourquoi, j'ai réussi ?
- Oui ça y est tu as réussi. Tes parents vont être
contents
Et en disant cela mon maître avait lui même un certain
sourire, tout à fait celui d'un père spirituel.