Petit souvenir de la 6e

      

Sur le chemin de l'école,
Nous avions douze ou treize ans,
Cheveux blond et têtes folles,
Nous parlions comme des grands.
Nous avions la tête pleine
De jolis projets
Moi j'avais pour Madeleine
Un tendre secret.

Dites-moi ce qui m'entraîne,
Dites-moi d'où vient le vent
Où s'en vont ceux que l'on aime,
Dites-moi ce qui m'attend,
Où s'en vont ceux que l'on aime,
Dites-moi ce qui m'attend.

(Gérard lenorman )
Pour l'écouter en entier::http://www.youtube.com/watch?v=Cy6juqCUHd8

 

Ce midi, une association d'idées issue de bavardage avec ma petite fille, m'a ramené 60 ans en arrière. Et j'ai revu avec une précision étonnante mes premiers pas vers le collège Victor Hugo, près de la gare St Charles.

Ces premiers pas avaient commencé en juin 50. Avec quelle insouciance,nous nous dirigions vers le lieu de passage de notre concours d'entrée en 6e,mon ami Gilbert et moi . Nos mères respectives nous suivaient en bavardant . Quant à nous, nous batifolions, après avoir énuméré et inventorié nos matériels :crayon, stylo à encre(stylos bille et feutres n'étaient pas encore d'actualité) double décimètre, compas etc..
Et pourtant nous allions passer un concours. Etre bon ne suffisait pas, il fallait être dans les meilleurs. mais je n'ai pas le souvenir du moindre stress. (Ce mot était d'ailleurs inconnu en ces temps bénis).

Le concours passé...et réussi, j'ai le souvenir tout aussi vivace de l'accueil au matin du 2 octobre. L'année scolaire s'étendant encore du 1er octobre au 13 juillet.
L'entrée des élèves se faisait par la rue Léon Gozlan. Montés les escaliers, nous débouchions dans la cour des 4e et 3e. . Le collège Victor Hugo était, à cette époque, constitué de la réunion de 3 établissements Le collège d'origine avec sa majestueuse entrée "principale" réservée aux professeurs, puis deux écoles primaires qu'il avait annexées au fil des années, comme il annexera plus tard le collège Edgard Quinet.
Chaque cour était donc réservée à une catégorie d'élèves:les 6e et les 5e dans la cour donnant sur la rue de la poste, mais dont l'entrée était condamnée, puis la cour des 4e et 3e (celle de notre accueil) qui pour nous était celle des "grands" et enfin la cour du collège d'origine, réservée aux élèves de 2e , 1er et terminales, des vieux pour nous autres. Une autre planète. Ces jeunes gens habillés comme des hommes portaient cravate et fumaient à la sortie des cours .(Dans la rue évidemment.)

L'appel ce lundi matin est effectué par M.Martin, un homme pas très grand d'une quarantaine d'années, portant une chevalière de taille ,du moins c'est ce que je remarquais et à qui nous prêtons sur le moment une importance fort exagérée. -Puisqu'il dirige la manoeuvre de ces presque cent élèves de 6e (3 classes en fait) ce doit être le "Directeur".
Primaire quand tu nous tiens... Nous saurons par la suite qu'il sera notre professeur de travaux manuels et accessoirement un peu secrétaire.

N'empêche, ce matin là, il était la toute puissance de l'administration et nous a orientés Gilbert et Moi vers la 6e 2.
Ma première heure de cours ce matin là m'est aussi restée en mémoire. Elle s'est déroulée en classe de musique ( je revois encore exactement où elle se trouvait)où un professeur très élégant nous a accueillis avec un accent qui montrait qu'il n'était pas de chez nous : Il s"appelait Tordjman. Outre son côté précieux et son accent il était doté d'un strabisme qu'il cachait derrière des verres fumés.Nous avons remarqué très vite sa façon d'interpeler un élève en regardant ailleurs. Cela nous a inquiétés parfois, amusés toujours ..
De ce premier cours,(et des suivants aussi) je n'ai retenu que les gammes qu'il essaya de nous faire pratiquer pour nous apprendre à respirer.
Ses "OU A é A OUUUU "- "OU A é A OU AAAA"... nous ont bien fait rire mais pas du tout convaincus de leur utilité. Il essaya aussi vainement de tranformer le son "AN" prononcé "in" par mon ami Francis en un précieux"ON" . Combat perdu d'avance. Il y a vite renoncé.
Il devait être remplacé l'année suivante par une jeune et jolie prof de 24 ans (J'ai su son âge beucoup plus tard ). Notre amour de l'opéra et notre attention d'adolescent s'en trouveront subitement renforcés.( surtout parvenus en classe de 3e.)

Un autre souvenir de cette belle et folle année de 6e est la façon dont se déroulait le retour vers nos domiciles. Bien entendu personne n'allait en voiture. Pas une famille de mon entourage ne possédait une auto. Cet objet était réservée aux riches ,aux commerçants ou aux médecins.

Selon les jours, nous nous arrêtions au bar du P.L.M rue Léon Gozlan pour effectuer quelques grandioses parties de baby-foot au cours desquelles nous excellions dans le rattrapage des balles entrées dans le but avant que celles-ci ne disparaissent dans les entrailles de la machine . Nous savions la chose illicite et nous surveillions avec crainte le patron pour qu'il ne nous surpenne pas. Crainte vaine, celui-ci devait se moquer comme de sa première chemise de nos agitations .
D'autres jours, notre jeu consistait à jouer avec un morceau de brique de 10cm environ. Gilbert d'un côté de la rue, moi de l'autre, nous avions l'impression de jouer au foot en nous renvoyant l'objet d'un coup de pied , d'un côté de la rue à l'autre.
Le jeu prenait fin au bas de la rue de Crimée par ce qui pourrait être considéré comme une séance de tirs au but avant l'heure. Chacun se mettant devant une bouche d'égout et essayant avec son cartable d'empêcher la pierre de tomber dans l'égout. Le premier qui réussissait avait gagné. Cela pouvait parfois durer un bon moment.
Heureux temps où les heures ne comptaient pas, où les trottoirs comme les rues étaient libres de voitures et où les enfants pouvaient les considérer comme des terrains de jeux.

 

Jean Santelli

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