Les "devoirs du soir " dans les années d'après guerre

      

L'arrêté du 23 novembre 1956 relatif à la suppression des devoirs à la maison ;
Les circulaires du 29 décembre 1956, circulaires du 28 janvier 1958, du 17 décembre 1964 et du 28 janvier 1971 rappellent L'INTERDICTION DES DEVOIRS ECRITS A LA MAISON.

 

Et oui, ce travail nuisait ,parait-il à la santé des "pauvres choux". mais pas les jeux vidéos, les films violents, la télé réalité et j'en passe...

Alors j'appelle au secours le petit garçon que j'étais en 1950. En classe de 1er année de fin d'études primaires. Je dois passer le concours d'entrée en 6e à la fin de l'année.Et depuis la classe de ce2, j'ai des devoirs du soir à faire sur un cahier spécial: "le cahier du soir". (Par opposition au "cahier du jour" , cahier sur lequel on effectue les travaux pendant la classe.)
Précisons que mes parents sont peu instruits . Ni l'un ni l'autre n'ont le certificat d'études. Ils ne m'aident donc pas. Et ma mère seule, me fait réciter les leçons. Pourquoi ma mère seule? Je ne sais pas . Peut-être parce que j'allais vers elle plus facilement. Je ne sais.
Vivant dans un petit appartement, je n'ai ni chambre,ni bureau. mes devoirs se font sur la table de la cuisine. Cahiers et livres sortis du cartables, y retournent aussitôt la tâche accomplie. Mon seul avantage sur les familles défavorisées, je suis seul. Pas de frères ou de soeurs pour me disputer l'espace de la table de la cuisine.

La journée scolaire en ce temps là est ainsi composée:le matin classe de 8h30 à 11h30. Puis reprise à 13h30 jusqu'à 16h30. De 16h30 à 17 h récrétation puis "études " de 17 h à 18 h. Je n'ai aucun souvenir de lassitude ni de fatigue. Ce rythme me parait normal. Je m'y suis habitué. Une petite exception toutefois:,c'est dans la classe du ce2.
La classe du Directeur Mr Panizi. Ce brave maître aime jouer du violon. Et le soir pendant l'heure d'études,il lui arrive de sortir son pupitre, ses partitions et il joue des morceaux classiques. Probablement fait-il partie d'un orchestre amateur. Nous ne nous sommes jamais posé la question.. Seulement, même joués correctemet (il jouait certainement très bien) les morceaux choisis avaient un pouvoir soporifique important et cette fin de journée me poussait à m'endormir un moment. cela m'est arrivé quelques fois. que le Dieu de la musique me le pardonne.

Il est vrai aussi que le soir, je ne risque pas de perdre mon temps devant la télé qui n'existe pas (1er apparition d'une chaine en noir en blanc à Marseille en 1954 ). Il est vrai aussi que le rythme de la vie en général est beaucoup moins stressant pour les adultes qu'il ne l'est aujourd'hui. Il n'empêche qu'un enfant de 11 ans de cette époque est tout à fait semblable à un enfant de 11 ans de ce début du 21e siècle.Mais.....
Les techniques ont changé: télé, jeux vidéos, mais aussi la vie sociale: famille recomposées après s'être décomposées. Théories fumeuses sur la fatigue due au travail. Angélisme et surprotection des adultes.
Je ne veux par ce texte que témoigner du travail qu'à 11 ans j'étais capable de faire .
Je revois mon instituteur de cm2. Mr Verlaque. Dieu sait s'il nous terrorisait . Le moindre bavardage c'était le verbe à conjuguer ou la copie à effctuer.
Chaque soir il écrivait au tableau le travail à effectuer pour le lendemain: Un problème à plusieurs opérations, avec dès le 2e trimestre des divisions décimales et puis la fameuse règle de trois, les fractions , les pourcentages..; ensuite un travail en français. Des leçons à apprendre par coeur (français, histoire ou géographie) Parfois une carte de France à réaliser avec interdiction de la "décalquer" au moyen du papier carbone des machines à écrire.
L'année suivante en Fin d'études 1er année, il y aura le plus souvent 2 problèmes et plusieurs exercices de grammaire ou de vocabulaire plus bien entendu les leçons à réciter.
Et bien nous avions tellement l'habitude du travail (qd je dis nous, je parle de ceux que l'on appelait les "bons élèves", c'est à dire un bon tiers de la classe,) que non seulement nous arrivions à finir ces devoirs mais que personnellement, je trouvais encore le temps de de lire, chez moi les soirs d'hiver, ou de jouer dans la rue dès le retour des beaux jours .

Il n'existe pas de miracles. Tous les "psy" et "crânes d'oeufs" diront ce qu'ils voudront. Mais en toutes choses l'entraînement est essentiel. En sport comme en musique comme en travail scolaire, ou simplemnt en lecture . Celui qui ne fait aucun ou peu d'effort sera vite submergé par la fatigue ou les activités. Comment faire apprendre plus de choses avec moins de temps ? Peut-être le jour où l'on inventera la machine à apprendre en dormant. Mais pour l'heure plus on veut apprendre de choses plus il y faut de temps . Le reste relève de la démagogie qui veut que tout le monde soit à égalité dans le matériel comme dans la paresse comme dans la bêtise.
Toute ma carrière qui a commencé bien après les décrets signalés ci dessus,s'est donc déroulée dans l'illégalité la plus totale. Aucune famille ne s'en est plaint . Et ce soir je veux remercier soixante ans après tous ces maîtres et maîtresses qui m'ont "donné" des devoirs à faire le soir à la maison. Outre leur contenu, ils m'ont surtout appris le sens de l'effort . J'avais plus de DEVOIRS que de DROITS et par là même plus de respect.

 

J.S

 

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