Nos carrioles....

 

Comme a disparu le temps des diligences, victime de l'évolution des techniques (remarquez que je ne dis pas progrès!) c'est inéluctablement qu'ont disapru les "carrioles "qui faisaient la joie des gentils garnements que nous étions, et la souffrance des riverains agacés, (et plus parfois), par le bruit des roulements à billes sur le goudron.

Une carriole c'était quoi ? En gros une planche portée par 3 roulements à billes de tailles variables, avec un système destiné à tenter de la diriger.

Un petit croquis (même rustique)valant mieux qu'un long discours voici en gros l'allure d'une carriole , les planches à roulettes de notre époque:

La petite planche supportant le roulement avant, pivotait autour de son axe pour plus ou moins bien diriger la machine roulante.
Ce "volant" pouvait se manoeuvrer avec les mains ou, pour les plus habiles, avec les pieds selon la manière de s'assoir sur la planche porteuse.

Sa construction relevait d'une débrouillardise de "haut niveau". Trouver la planche déjà n'était pas une mince affaire. Il n'existait pas de magasins de bricolage en ces temps là. (les premiers n'apparaitront que dans les années 60)
Les roulements à billes surtout étaient un produit hautement précieux. Je me souviens que nous en trouvions dans les épaves de véhicules détruits pendant la guerre et laissés à l'abandon dans les ruines des batiments bombardés. On avait pourtant dans notre quartier d'avoir un magasin qui en vendait. Mais sans argent pour les acheter il nous fallait avoir la chance de récupérer des pièces usagées.

Je ne me souviens plus d'où provenaient ceux de ma carriole; peut-être du lieu de travail de mon père. Car mon papa compréhensif, m'avait aidé à en fabriquer une. On peut même dire m'en avait fabriqué une . Super luxe: il y avait adjoint un frein dont la manipulation ,hélas, rendait son utilisation plus dangereuse encore que son absence.

Enfin, notre bolide prêt nous partions pour nos "randonnées"comme partent aujourd"hui les jeunes avec leur "planche à roulettes" (leur "skate" en bon franglais.) Notre carriole sous le bras c'était bien évidemment l'impasse qui nous voyait réaliser nos "descentes". Je comprends avec le recul du temps le "martyre" que nous infligions aux habitants des immeubles . Surtout ceux du N° 3 (voir précédement)
Exaspérée, la dame qui habitait au 3e, Me B... finissait par nous envoyer des casseroles d'eau qui loin de nous calmer, ajoutaient, au contraire, du piment à nos courses
Ah! ces parties de rires, lorsque lancés à toute allure nous attendions la casserole en espérant l'éviter. Celui qui arrivait sec, avait gagné!
Pardon et merci Me B... Pardon pour les ennuis que nous vous avons causés et merci pour nous avoir fabriqué de si bons souvenirs.

Nous étions de véritables "techniciens" de la carriole. Assis sur les cuisses, conduite avec les mains, ou assis normalement et conduite avec les pieds il fallait savoir se réceptionner au bas de la rue avant de déboucher (et au risque) sur la rue Junot où circulaient quand même quelques voitures. Nos dérapages plus ou moins contrôlés à l'arrivée, nous propulsaient parfois sur la chaussée, et le sang coulant de nos genoux, râpés par le goudron, ne nous empêchait pas de remonter le plus vite possible pour une nouvelle descente.
Nous nous soignerions plus tard et nos parents ne s'en offusqueraient pas.
Ma dernière carriole a fonctionné jusqu'à l'été de 1950. J'avais 11 ans et demi. Le souvenir en est précis à cause d'une blessure au genou droit qui ne pouvait pas cicatriser justemnt à cause de ces chutes à répétition. Peut-être que je raconterai ça une autre fois. Pour l'instant je remonte dans mes souvenirs et donc sur ma carriole. Michel ,Fernand, Aimé et les autres sont là qui m'attendent.

 

Jean Santelli

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